Défi du maintien des nouveaux arrivants à Sudbury, Hassan Gouled dévoile un plan du CIFS

Hassan Gouled du Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS). 📸 HG

Hassan Gouled du Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS). 📸 HG

Si la francophonie à du vent dans les voiles à Sudbury, c’est certainement en partie grâce aux efforts du CIFS. Créé en 1998 par des professionnels et des universitaires, le Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS) est l’un des rares organismes culturels de la région qui a su mettre en relief les besoins et les préoccupations de la communauté francophone d’accueil, de la communauté immigrante francophone ainsi que des nouveaux arrivants. Après plus de 20 années d’existence, quel est le bilan du CIFS? Notre entrevue avec Hassan Gouled vous situera!

Avec 28 % de francophones, Sudbury détient la plus grande proportion de Franco-Ontariens parmi les principales villes de l'Ontario. Mais ce qui fait la force de cette minorité francophone « solidaire, soudée et revendicatrice », c’est sans aucun doute la forte présence des personnes d’origine africaine.

Selon le CIFS, Sudbury connaît des vagues d’immigration sans précédent. « Il y a quelques années, la plus grande vague était la communauté congolaise, ensuite ce fut la communauté rwandaise, puis la communauté burundaise et après la communauté tchadienne », révèle Hassan Gouled, président du Conseil d’administration du CIFS. « À ce jour, souligne-t-il, la communauté ivoirienne demeure la plus forte vague de nouveaux arrivants à Sudbury ». 

« La francophonie se porte assez bien en Ontario depuis plusieurs années. C’est une francophonie organisée, solidaire, soudée et revendicatrice quand il s’agit de ses droits. » - Hassan Gouled

« Nouveaux arrivants », c’est l’appellation que préfère le Contact interculturel francophone de Sudbury à la place de l’identifiant « immigrants », pour définir toute personne qui a établi depuis peu des liens de résidence à Sudbury. À en croire le CIFS, cette définition s’aligne sur celle d’IRCC (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada).

« Nos différences », un trait d’union entre les communautés à Sudbury

Au-delà de l’offre de programmes et services sociaux communautaires adaptés aux besoins des immigrants d’expression française, M. Gouled soutient que la beauté du CIFS, c’est d’avoir « réussir à créer un pont » entre toutes les communautés, à les « amener autour d’une même table » en célébrant les différences qui existent entre elles. C’est cette approche qui, selon lui, explique pourquoi le CIFS prône l’interculturalisme plutôt que le multiculturalisme. C’est en cela que le responsable du Contact interculturel francophone de Sudbury reconnaît les actions de son organisme. Une raison de plus pour lui de paraphraser Antoine de Saint-Exupéry en disant qu’« au lieu que nos différences soient des raisons pour nous diviser, ça devient des raisons pour nous unir ».

Pour mieux illustrer les initiatives du CIFS visant à fédérer les communautés francophones de Sudbury, Hassan Gouled, Djiboutien d’origine, qui a immigré au Canada il y a 30 ans, évoque sa propre expérience. Ayant vécu une grande partie de son adolescence à Toronto, lorsque le moment était venu de choisir une université, Hassan a mis le cap sur Sudbury. Alors qu’il poursuivait son baccalauréat en commerce spécialisation en finance, à l’Université Laurentienne, il avait constaté qu’il y avait de moins en moins d’activité culturelle. Étant « très impliqué » dans sa communauté torontoise, il souffrait en quelque sorte de ce ‘’vide’’ autour de lui à Sudbury. Ce n’est que 3 ans plus tard qu’il ira à la rencontre de sa première soirée culturelle hors de la Laurentienne.

« Certains se demandent jusqu’à quel point la ville de Sudbury commence à être reconnue comme une bonne place pour les personnes issues de la diversité. On a juste besoin de regarder le nombre de personnes qui s’y installent. Il y avait une époque où c’était difficile de voir des personnes venir à Sudbury. Chaque jour, le visage de la communauté. » - M. Gouled.

« Quand je suis arrivé à Sudbury, il n’y avait pas beaucoup d’activités culturelles. Partout où je passais, la communauté était homogène. Un jour j’entends parler d’une soirée intitulée le ‘’Cabaret africain’’. Ça faisait déjà trois ans que j’étais à Sudbury. Je ne savais pas qu’il y avait une communauté noire à l’extérieur de l’Université Laurentienne. Je ne savais pas non plus que la communauté francophone était aussi forte en dehors du campus », se rappelle encore Hassan Gouled.

Le Cabaret africain, « un accomplissement » pour le CIFS

C’est donc le Cabaret africain qui a « ouvert les yeux » de M. Gouled sur l’existence d’autres communautés culturelles à Sudbury. En effet, le Cabaret africain (22 ans) est le 2e plus grand et vieil évènement culturel africain organisé annuellement par le CIFS à Sudbury après l’AFROFEST (32 ans) au Canada.

« Lorsque je me suis retrouvé à cette soirée un samedi soir avec un groupe d’amis, j’ai été surpris de voir qu’il y avait beaucoup d’Africains et surtout des francophones. J’étais curieux de savoir un peu plus sur cette soirée et les organisateurs. J’ai constaté que quelques profs de l’université étaient impliqués. Les informations que je recevais me donnaient plus d’énergie à vouloir m’impliquer », relate Hassan Gouled qui, 20 ans plus tard, est à la tête du Conseil d’administration du CIFS.

« Quand on a toujours été minoritaire, et qu’on est toujours en train de se battre pour sa place, c’est difficile de faire de la place à une autre minorité au sein de sa minorité. Il revient à la communauté minoritaire (noire) de prendre sa place et de s’assurer qu’elle est membre de cette communauté en termes de contribution, de leadership, d’implication, de développement de projet. » - Hassan Gouled, président du conseil d’administration du CIFS.

Le CIFS peut se réjouit de son parcours avec le Cabaret africain comme étant « un accomplissement » en termes de bilan. Toutefois, Hassan Gouled ne cache pas que l’organisme à « beaucoup de travail à faire pour valoriser la contribution de cette diversité africaine au sein de la francophonie de Sudbury et de la communauté en générale de Sudbury ». Car, poursuit-il, « l’un des défis de la communauté franco-ontarienne, selon le PCA du CIFS, c’est de faire en sorte que la minorité africaine au sein de la minorité francophone puisse s’y retrouver et avoir sa place ».

Parlant de “place”, il ressort des statistiques du CIFS que les étudiantes et étudiants francophones du Collège Boréal et de l’Université Laurentienne demeurent le fer de lance de la francophonie à Sudbury. Malheureusement, ceux-là mêmes qui constituent le plus grand nombre de nouveaux arrivants peinent à s’insérer dans le tissu économique et social à la fin de leurs études. « Ces étudiants ont toujours été la flamme qui fait rayonner le CIFS. C’est là où nous avons le plus grand nombre de nouveaux arrivants. Mais le maintien des nouveaux arrivants est un défi même si cela n’est pas un problème unique à Sudbury », se désole Hassan Gouled, tout en rassurant que le CIFS travaille sur des projets dans le sens de « lever les barrières ».

Développer une formule de ‘’discrimination positive’’ à l’embauche 

Au nombre des projets en cours, il y a « l’antiracisme et la discrimination ». Ces deux thématiques en gras visent à sensibiliser les employeurs qui n’ont pas le réflexe d’embaucher « des personnes qui ne les ressemblent pas » dans leurs entreprises ou Conseils scolaires. « Si on veut garder plus de personnes issues de la minorité, on doit commencer par les emplois. La réalité est que la plupart des employeurs n’ont pas ce réflexe de donner la chance à des personnes qui ne les ressemblent pas. Nous voulons faire en sorte que cette diversité soit reflétée au sein des différentes entreprises et organismes de la place. Nous voulons les aider à développer une formule de discrimination positive à l’embauche », fait valoir le PCA du CIFS.

En plus d’encourager les employeurs à s’ouvrir à la diversité, le CIFS dit vouloir inclure les communautés (minoritaires et majoritaires) à l’effet d’aider certaines personnes à développer des compétences pour occuper des postes de leadership, à prendre la parole dans des milieux publics et à être des porte-paroles sur des enjeux sociaux. « La réalité est qu’à Sudbury, nous avons tous les atouts et tous les outils pour relever ce défi. Nous avons juste besoin d’être bien organisés, d’utiliser nos ressources et nous serons l’une des villes exemplaires en matière de rétention des nouveaux arrivants », s’est voulu confiant M. Gouled.

« Chaque fois que nous organisons le Cabaret, il y a plusieurs caravanes qui viennent à Sudbury. Les gens continuent à s’identifier au CIFS parce qu’ils se rendent comptent de l’impact de nos actions dans leur vie. Je suis moi-même conscient de l’aide que le CIFS m’a apportée quand j’étais nouveau à Sudbury. Le CIFS veut aider le prochain Gouled à s’intégrer et à réussir sa vie » - Hassan Gouled, CIFS

Malgré les défis, le responsable du Contact interculturel francophone de Sudbury promet que le CIFS ne lâchera pas. D’autant plus que la pandémie de « la COVID-19 a rendue évident certains problèmes » qui existaient déjà au sein de la minorité des nouveaux arrivants. Depuis décembre 2020, l’organisme sudburoise multiplie les efforts dans le but d’offrir des paniers alimentaires à de nombreuses familles qui sont dans le besoin.

« C’est difficile de vivre seule dans son foyer, avec sa petite famille quand on est des êtres sociables, quand on aime le contact avec les autres. En même temps, comprenons que chacun de nous doit faire sa part, parce qu’il y a des personnes vulnérables au sein de la communauté. Le plus tôt qu’on se responsabilise, le plus tôt qu’on a espoir de s’en sortir de cette situation », a conclu Hassan Gouled.

Atelier sur le racisme - Feb 25 VF.jpg
Baba I. Fofana

Rédacteur en chef de L’Orignal Déchaîné entre mai 2020 et juillet 2021, Baba fut également délégué aux médias francophones pour le compte de l’Association des étudiantes et étudiants francophones (AEF). De septembre 2019 à juin 2021, il a obtenu un baccalauréat à l’École des sciences de l’éducation de l’Université Laurentienne avant de poursuivre une maitrise en éducation à l’Université d’Ottawa.

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